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Par Fethiok le 15 Janvier 2010 à 00:05
Pour chacun une bouche deux yeux
deux mains deux jambes
Rien ne ressemble plus à un homme
qu’un autre homme
Alors
entre la bouche qui blesse
et la bouche qui console
entre les yeux qui condamnent
et les yeux qui éclairent
entre les mains qui donnent
et les mains qui dépouillent
entre le pas sans trace
et les pas qui nous guident
où est la différence
la mystérieuse différence ?
Jean-Pierre Siméon (1950-....)
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Par Fethiok le 11 Janvier 2010 à 09:42
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.
Guy de MAUPASSANT (1850-1893)
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Par Fethiok le 27 Décembre 2009 à 00:05
Je suis né en 1902
Je ne suis jamais revenu dans ma ville natale
Je n'aime pas les retours.
A l'âge de trois ans à Alep, je fis profession de petit-fils de pacha,
à dix-neuf ans, d'étudiant à l'université communiste de Moscou
à quarante-neuf ans à Moscou, d'invité du Comité central,
et depuis ma quatorzième année, j'exerce le métier de poète
Il y a des gens qui connaissent les divers variétés de poissons
moi celle des séparations.
Il y a des gens qui peuvent citer par coeur le nom des étoiles,
moi ceux des nostalgies.
J'ai été locataire et des prisons et des grands hôtels,
J'ai connu la faim et aussi la grève de la faim et il n'est pas
de mets dont j'ignore le goût.
Quand j'ai atteint trente ans on a voulu me pendre,
à ma quarante-huitième année on a voulu me donner le Prix
mondial de la paix
et on me l'a donné.
Au cours de ma trente-sixième année, j'ai parcouru en six mois
quatre mètres carrés de béton,
Dans ma cinquante-neuvième année j'ai volé de Prague à la Havane en dix-huit heures.
Je n'ai pas vu Lénine, mais j'ai monté la garde près de son catafalque en 1924,
En 1961 le mausolée que je visite ce sont ses livres.
On s'est efforcé de me détacher de son parti
çà n'a pas marché
Je n'ai pas été écrasé sous les idoles qui tombent.
En 1951 sur une mer, en compagnie d'un camarade, j'ai marché vers la mort
En 1952, le coeur fêlé, j'ai attendu la mort quatre mois allongé sur le dos.
J'ai été fou de jalousie des femmes que j'ai aimées.
Je n'ai même pas envié Charlot pour un iota.
J'ai trompé mes femmes
Mais je n'ai jamais médit derrière le dos de mes amis.
J'ai bu sans devenir ivrogne,
par bonheur, j'ai toujours gagné mon pain à la sueur de mon front.
Si j'ai menti c'est qu'il m'est arrivé d'avoir honte pour autrui,
J'ai menti pour ne pas peiner un autre,
Mais j'ai aussi menti sans raison.
J'ai pris le train, l'avion, l'automobile,
la plupart des gens ne peuvent les prendre.
Je suis allé à l'opéra
la plupart des gens ne peuvent y aller et en ignorent même le nom,
Mais là où vont la plupart des gens, je n'y suis pas allé depuis 1921 :
à la mosquée, à l'église, à la synagogue, au temple, chez le sorcier,
mais j'ai lu quelquefois dans le marc de café.
On m'imprime dans trente ou quarante langues
mais en Turquie je suis interdit dans ma propre langue.
Je n'ai pas eu de cancer jusqu'à présent,
On n'est pas obligé de l'avoir
je ne serai pas Premier ministre, etc.
et je n'ai aucun penchant pour ce genre d'occupation.
Je n'ai pas fait la guerre,
Je ne suis pas descendu la nuit dans les abris,
Je n'étais pas sur les routes d'exode
sous les avions volant en rase-mottes,
mais à l'approche de la soixantaine je suis tombé amoureux.
En bref camarade,
aujourd'hui à Berlin, crevant de nostalgie comme un chien,
je ne puis dire que j'ai vécu comme un homme
mais le temps qu'il me reste à vivre,
et ce qui pourra m'arriver
qui le sait ?
Nazim HIKMET (1902-1963)
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Par Fethiok le 7 Décembre 2009 à 00:05
Les noirs corbeaux au noir plumage,
Que chassa le vent automnal,
Revenus de leur long voyage,
Croassent dans le ciel vernal.
Les taillis, les buissons moroses
Attendent leurs joyeux oiseaux :
Mais, au lieu des gais virtuoses,
Arrivent premiers les corbeaux.
Pour charmer le bois qui s'ennuie,
Ces dilettantes sans rival,
Ce soir, par la neige et la pluie,
Donneront un grand festival.
Les rêveurs, dont l'extase est brève,
Attendent des vols d'oiseaux d'or ;
Mais, au lieu des oiseaux du rêve,
Arrive le sombre condor.
Mars pleure avant de nous sourire.
La grêle tombe en plein été.
L'homme, né pour les deuils, soupire
Et pleure avant d'avoir chanté.
Nérée BEAUCHEMIN (1850-1931)
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Par Fethiok le 30 Novembre 2009 à 09:13
De grands nuages gris estompent l’horizon ;
Le soleil jette à peine un regard à la terre ;
Les feuilles et les fleurs roulent sur le gazon,
Et le torrent gonflé gronde comme un tonnerre.
Adieu le soir serein ! adieu le matin clair !
Adieu le frais ombrage ! adieu les folles courses !
Adieu les voix d’oiseaux qui se croisent dans l’air !
Adieu le gazouillis des buissons et des sources !
Plus de gais moissonneurs attroupés dans les blés !
Plus d’amoureux rêveurs assis sous les tonnelles !
Plus de concerts la nuit sur les flots étoilés !
Dans les prés et les bois plus de parfums, plus d’ailes !
Mais parfois le soleil, déchirant les brouillards,
Verse des lueurs d’or sur les eaux et les chaumes...
Et nous croyons ouïr les oiseaux babillards,
Nous respirons partout de sauvages arômes.
L’arbre nu nous paraît se rhabiller de vert :
Le vent attiédi joue avec ses rameaux souples ;
Et dans le creux du val, de feuilles recouvert,
Il nous semble encor voir errer de joyeux couples.
Ainsi que la saison des fleurs et des amours,
Se sont évanouis mes rêves de jeunesse ;
Un nuage a passé tout à coup sur mes jours,
Dérobant un soleil qui me versait l’ivresse.
Cependant quelquefois à travers mon ciel noir
Un reflet radieux glisse à mon front morose...
Alors dans le passé lumineux je crois voir
De mes bonheurs enfuis flotter l’image rose.
Et puis devant mes yeux rayonne l’avenir ;
L’espérance renaît dans mon âme ravie...
Et le rayon qui brille un instant sur ma vie,
C’est celui que le cœur nomme le souvenir.
William Chapman(1850-1917)
5 novembre 29 novembre
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