• Les figuiers de Barbarie


    boujedra

    On est censé voler, mais bizarrement,le trajet épouse plus les chemins sinueux du pays chaoui, qu'un réglementaire couloir aérien, où l'on y reconnaîtrait presque le relief des contreforts des Aurès, avec sa fameuse N31, du côté d'Arris, vers les gorges de Rhouffi.

    Un véritable trip harkati en somme, où les passagers du vol seraient les interprètes d'une histoire qui aura marqué de son empreinte tant la région que le pays tout entier. Plus d'un demi siècle auparavant.

    En lisant des extraits, en novembre dernier, lors du Salon international du livre d'Alger, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, l'auteur d' «Une Algérienne debout», lui avait trouvé, à bon escient, un goût de «smen et de miel», deux produits du terroir aurasien. Or, le smen se fait à partir de beurre porté à fusion, à feu doux, et c'est l'écume qui remonte à la surface qui va, par la suite, donner ce «beurre rance», couleur ambre, qui servira à oindre le  couscous notamment.

    Nous sommes en plein dans la mémoire olfactive ! Celle qui façonne le souvenir que l'auteur de  «La Répudiation» suggère à coups de métalinguisme.

    Car, et au grand bonheur de son lectorat originel, l'écrivain revient à la  «vraie littérature», celle qui produit de la réflexion, par opposition à celle qui propose de l'information. Même si cette dernière a son mérite, lorsque  l'urgence l'impose.

    Le romancier d'Aïn Beïda
    avait séduit dès son premier jet en 1969 !

    Et il aura suffi de deux romans, les deux premiers, ( « La répudiation » et «L'Insolation »), pour que sa lecture devienne une nécessité pour une jeunesse qui slalomait entre les interstices.

    L'époque était au débat et les projets de société se télescopaient sur la place publique et à l'intérieur de l'espace médiatique à l'exiguïté variable…

    Mostefa Lacheraf, Mohamed Seddik Benyahia d'un côté et Taleb Ibrahimi de l'autre occupaient, avec des fortunes diverses, un espace que ne déserta aucunement la littérature. La jeunesse reprenait en choeur Nass al Ghiwane et débattait de la malvie d'une génération que Fadela M'rabet et Rachid Boudjedra auscultaient à pleines

    pages.

    La sécheresse du style, aseptisé à l'extrême, trouvait déjà preneur, car Boudjedra savait aller à l'essentiel. Tout comme dans «Les Figuiers de Barbarie » du reste.

    Ici, deux hommes se retrouvent côte à côte dans le vol Alger-Constantine. A dix mille mètres du sol, l'échange entre les deux passagers de ce vol domestique relèvera (aussi) de l'analyse. Rude journée en perspective !

    Evoquer la guerre de Libération et ses effets directs et collatéraux sur les autres est loin d'être une sinécure. Il y a tellement de non-dits sur une guerre qui fut, d'abord, contre soi-même, avant de faire face aux autres, aux envahisseurs. « Il y a une certaine façon policière d'interroger les gens, dont on dirait qu'elle a pour but de ne ‘'pas'’ découvrir la vérité », écrit un autre écrivain de la région, Tébessa, Robert Merle en l'occurrence, dans « Madrapour ».

    La vérité ? Elle n'est pas du ressort du roman et cet écueil Boudjedra l'a évité avec beaucoup de clairvoyance.

    La différence entre la vérité et la fiction, c'est que la fiction doit avoir du sens.

    Et l'histoire proposée en recèle autant que l'eau dont l'existence est traditionnellement indiquée par la présence d'une haie de figuiers de Barbarie,comme le stipule le bon sens paysan.

    Le narrateur se hasarde, par ailleurs, en des contrées  «endogènes», brûlées par un soleil d'été,marque de fabrique d'une entreprise d'une construction interne toujours en chantier !…
    Le soleil devient alors - tout comme dans les mythologies antiques - une expérience si profonde du corps qu'il en deviendrait destin.

    D'où la folle envie de relire… «L'Insolation» qu'il a écrit en 1972 !

    Car c'est à partir de là qu'on découvre que le mensonge est pareil à cette lumière crépusculaire qui met chaque sensation en valeur…

    Le mensonge, une donnée généreusement mais inégalement répartie depuis cet été de la discorde qui restera malgré et avant tout celui de la libération… L'été 1962. Dès lors, cette duplicité humaine a été au centre des plus intenses romans de Rachid Boudjedra. Du mentir-vrai, comme chez Louis Aragon, où le discours aussi utilise une technique cataphorique avec en plus, thématique oblige, chez Boudjedra, des embrayeurs, ces termes qui renvoient à l'acte d'énonciation, jetant au passage une passerelle vers le réel. Celui qui est constitué des délices amers de l'auto-accusation, Robert Merle, toujours…

    Comme une figue de barbarie offerte, à notre grand ravissement,par l'auteur des «Figuiers de barbarie » ! s

    Saïd Ould-Khélifa in www.djazairnews.info

     

     

    « Les Figuiers de barbarie » de Rachid Boudjedra

    (ed. Grasset, Fév-2010)

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  • Commentaires

    1
    Lundi 22 Mars 2010 à 14:48
    biker06
    En as tu deja mangé ? moi oui ! nous en avons ici
    @ + Pat
    2
    Lundi 22 Mars 2010 à 15:55
    mounia
    ya hasra ala ayamat al handi!! quantau beurre rance, j en fais toujours..Allah yarham eli alam ou rabba!! Sinon,crois tu que j ais une chance de mettre la main sur ce livre!!!
    Yatik asaha
    Biiiiiiiiiz
    3
    Lundi 22 Mars 2010 à 16:19
    AndreBouchaud
    Nous en avons de bien gouteuses que nous avons ramené d'Andalousie malheureusement il en a gelé la moitié avec le froid de l'hiver Bonne semaine Bizzzzouz Amitiés André
    4
    Lundi 22 Mars 2010 à 18:40
    Louly cot cot cot
    bisou$
    5
    Lundi 22 Mars 2010 à 20:02
    Soledad
    Un pays, des habitants éprouvés au travers de dizaines d'années...
    Je te souhaite une agréable semaine, je te dépose un plein panier de courage, et d'ondes positives pour l'affronter. Bisous
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