• «Démissionnez M.Belkhadem!»



    L’ÉCRIVAIN YASMINA KHADRA À L’ANCIEN CHEF DE GOUVERNEMENT
    «Démissionnez M.Belkhadem!»

    Tout cerveau qui s’exile est un assassinat, tout espoir qui s’éteint est une trahison et tout aveu d’impuissance de la part d’un décideur est une catastrophe.

    Les dernières déclarations de Abdelaziz Belkha-dem, représentant personnel du chef de l’Etat, sur le phénomène des harraga ne cessent de susciter des réactions.
    «S’il y a des solutions miracles pour les harraga nous sommes preneurs», avait en substance déclaré, récemment, M.Belkhadem, avouant l’impuissance du gouvernement à venir à bout des problèmes de la jeunesse algérienne. Des propos défaitistes qui ont fait sortir de sa réserve l’intellectuel et écrivain algérien, Yasmina Khadra.
    Dans une lettre ouverte adressée à M.Belkhadem, l’auteur de L’attentat a invité, en des termes directs, le n°1 du FLN, à la démission.
    «Il existe un miracle en chaque chose, M.Belkhadem. Le miracle de réussir là où d’autres ont échoué. Le miracle de démissionner quand on ne peut plus rien donner...Voyez-vous? Il suffit de vouloir», a écrit M.Khadra dans sa lettre.
    Pour Yasmina Khadra, les propos de M.Belkhadem à propos des harraga sont irrecevables. Un discours n’est, selon lui, solvable que lorsque ses répercussions sur le terrain sont payantes. «Il ne suffit pas d’occuper une tribune pour dominer son monde, encore faut-il le convaincre, parvenir à lui mettre la main à la pâte et le mener au bout de l’ensemble des défis que l’on est supposé relever», a-t-il expliqué.
    Durcissant le ton, l’auteur de la lettre a rappelé à l’ancien chef de gouvernement que si un responsable politique a des obligations et des problèmes à résoudre, il a aussi le devoir de rendre le tablier s’il a conscience de son inutilité. Des propos qui ne laisseront certainement pas muet M.Belkhadem, prompt à réagir à ses contradicteurs. Très sévère, Yasmina Khadra recadre la problématique de la jeunesse en estimant que le «constat est désespérant» et de s’exclamer: «Comment peut-on sévir contre une jeunesse effroyablement désenchantée alors qu’il est question de la sauver de l’ennui en train de la chosifier? Comment ose-t-on jeter en prison de jeunes gens qui ont choisi de risquer leur vie au large de la mer plutôt que de moisir au pied des murs défigurés ou à l’ombre de cafés sinistrés?» et d’apostropher M.Belkhadem: «Depuis quand les geôles sont-elles des cures thérapeutiques, un antidote, une panacée?» soulignant qu’«incarcérer les harraga est un non-sens, une absurdité, un traitement contre-nature».
    Yasmina Khadra explique encore que cette démarche (l’emprisonnement des harraga) «(...) dénote l’inaptitude de nos responsables à s’assumer, préférant faire porter le chapeau à ceux-là mêmes qui ploient sous d’intenables carcans. Il n’est pire cruauté que de faire, des souffre-douleur, des boucs émissaires».
    L’auteur de «Le Dingue et le bistouri» poursuit en écrivant: «L’Algérie est un paradis, M.Belkhadem, un paradis dont les rêves sont ailleurs, ce qui pousse des milliers d’adolescents à sauter dans des embarcations de fortune pour aller à leur recherche, parmi les naufrages mortels et les insolations irréversibles», a-t-il souligné. Allant plus loin dans son réquisitoire, l’écrivain algérien épingle les élus de la nation qui ont failli à leur mission et à tous les niveaux: «Que sont devenues nos idoles dans cette quête névrotique de l’enrichissement suspect qui a fait de nos maires, de nos walis, de nos députés, de nos sénateurs, enfin de l’ensemble de nos faiseurs de société, des faiseurs de désillusions?». Dans sa lettre ouverte, Yasmina Khadra a décrit une jeunesse désespérée, laminée, lessivée, dévitalisée et qui n’éprouve plus le besoin de survivre à son désarroi grandissant. «Notre jeunesse souffre, M.Belkhadem. Elle a épuisé toute sa patience, toutes ses prières et tous ses ras-le-bol», écrit-il encore.
    Il a également raconté une jeunesse qui ne croit plus en ses dirigeants. «Notre jeunesse ne fait plus confiance à vos promesses parce que vous ne les avez jamais tenues», explique-t-il.
    Dans le même ordre d’idées, Yasmina Khadra qui n’a pas manqué d’énumérer les préoccupations de la jeunesse algérienne (travail, débouchés, formation adéquate, respect et confiance), a appelé les responsables à assainir ses lendemains en lui proposant des projets concrets, un devenir fiable, des repères probants, bref, une vraie feuille de route reposant sur un programme clair et réalisable.
    Plus loin dans son analyse de la situation, il a accusé les dirigeants d’incompétence et de culpabilité auxquelles renvoie directement le désespoir de cette frange de la société. Il les a invités en ce sens à cesser de la considérer comme une tare sociale ou une tracasserie politique.
    Et Yasmina Khadra de conclure: «Tout cerveau qui s’exile est un assassinat, tout espoir qui s’éteint est une trahison et tout aveu d’impuissance de la part d’un décideur est une catastrophe. Alors, lequel des miracles choisir: celui de la rédemption ou bien celui de la démission?».

    « Comment parler aux enfants en 2009Pour en finir avec le dimanche...(en attendant le prochain) »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 25 Janvier 2009 à 09:38
    Un sujet qui me touche...... Pour ces jeunes l'eldorado est ailleurs et souvent quand ils arrivent sains et saufs, il sont désenchantés car ce qu'ils imaginaient comme des paradis n'en sont plus vraiment. L'ont-ils un jour été. En plus, sans papiers, ils vivent dans la peur permanente des contrôles de police au faciès et des retours aux frontières qui s'en suivent. Bonne journée.
    2
    Dimanche 25 Janvier 2009 à 11:15
    je ne suis pas super douée en politique mais tout ce qu'elle dit est exact , quand on ne tient pas ses promesses: personne ne croit plus en rien et tout se délite bisous cerisette
    3
    Dimanche 25 Janvier 2009 à 12:10
    chantal74
    Les mots de Yasmina Khadra me touchent beaucoup... ils s'appliquent également pour notre jeunesse française.. en Algérie les jeunes au risque de se noyer, empruntent des embarcations peu sures et chez nous il y des "quotas" pour délits de faciès qu'il faut faire retourner chez eux. Je suis affligée par ces méthodes et parfois je ne me reconnais plus en tant que Française. Ce monde tourne à l'envers bon dimanche Fethi bisous chantal
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