• Enracinés
    Après vous avoir parlé le 16/2/2012 du livre “ni valise ni cercueil”, les pieds-noirs restés en Algérie après l'indépendance de Pierre Daum" . C'est un nouveau livre que je vous invite à découvrir : "Mémoires d'enracinés. Mes rencontres avec ces pieds-noirs qui ont choisi de rester en Algérie" d'Assiya HAMZA

    Résumé: "Je suis française d'origine algérienne, et ma double identité, c'est ma richesse. Mais que ferais-je à l'heure du choix, si choix il devait y avoir ? Emettre une préférence reviendrait à renier mon histoire. Et aussi celle de la France. Qu'on le veuille ou non, la France et l'Algérie ont une histoire commune. Une histoire tumultueuse qui a duré un peu plus d'un siècle. Cette introspection m'a menée sur les traces des pieds-noirs qui ont choisi de rester en Algérie au lendemain de l'Indépendance. Un million d'hommes et de femmes se sont arrachés à cette terre l'été 62, très peu ont refusé de partir. J'ai voulu savoir pourquoi ils avaient, eux, renoncé à l'exil et résisté à l'exode. Qu'aurais-je fait à leur place ?".

    Cécile, Momo, Eliette, Marie-France, Paul, Céleste et les autres lui ont ouvert leur maison et leur mémoire. Dix personnes qui lui ont tendu un miroir, la renvoyant à sa propre histoire, à sa différence, à ses racines, à son intégration à la française.


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  • J'ai ainsi vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement, jusqu'à une panne dans le désert du Sahara, il y a six ans. Quelque chose s'était cassé dans mon moteur. Et comme je n'avais avec moi ni mécanicien, ni passagers, je me préparai à essayer de réussir, tout seul, une réparation difficile. C'était pour moi une question de vie ou de mort. J'avais à peine de l'eau à boire pour huit jours.

    Le premier soir je me suis donc endormi sur le sable à mille milles de toute terre habitée. J'étais bien plus isolé qu'un naufragé sur un radeau au milieu de l'océan. Alors vous imaginez ma surprise, au lever du jour, quand une drôle de petite voix m'a réveillé. Elle disait:

    - S'il vous plaît... dessine-moi un mouton !

    - Hein!

    - Dessine-moi un mouton...

    J'ai sauté sur mes pieds comme si j'avais été frappé par la foudre. J'ai bien frotté mes yeux. J'ai bien regardé. Et j'ai vu un petit bonhomme tout à fait extraordinaire qui me considérait gravement. Voilà le meilleur portrait que, plus tard, j'ai réussi à faire de lui. Mais mon dessin, bien sûr, est beaucoup moins ravissant que le modèle. Ce n'est pas ma faute. J'avais été découragé dans ma carrière de peintre par les grandes personnes, à l'âge de six ans, et je n'avais rien appris à dessiner, sauf les boas fermés et les boas ouverts.

    Je regardai donc cette apparition avec des yeux tout ronds d'étonnement. N'oubliez pas que je me trouvais à mille milles de toute région habitée. Or mon petit bonhomme ne me semblait ni égaré, ni mort de fatigue, ni mort de faim, ni mort de soif, ni mort de peur. Il n'avait en rien l'apparence d'un enfant perdu au milieu du désert, à mille milles de toute région habitée. Quand je réussis enfin à parler, je lui dis:

    - Mais... qu'est-ce que tu fais là ?

    Et il me répéta alors, tout doucement, comme une chose très sérieuse:

    - S'il vous plaît... dessine-moi un mouton...

    Quand le mystère est trop impressionnant, on n'ose pas désobéir. Aussi absurde que cela me semblât à mille milles de tous les endroits habités et en danger de mort, je sortis de ma poche une feuille de papier et un stylographe. Mais je me rappelai alors que j'avais surtout étudié la géographie, l'histoire, le calcul et la grammaire et je dis au petit bonhomme (avec un peu de mauvaise humeur) que je ne savais pas dessiner. Il me répondit:

    - Ça ne fait rien. Dessine-moi un mouton.  

    Comme je n'avais jamais dessiné un mouton je refis, pour lui, l'un des deux seuls dessins dont j'étais capable. Celui du boa fermé. Et je fus stupéfait d'entendre le petit bonhomme me répondre:

    - Non! Non! Je ne veux pas d'un éléphant dans un boa. Un boa c'est très dangereux, et un éléphant c'est très encombrant. Chez moi c'est tout petit. J'ai besoin d'un mouton. Dessine-moi un mouton.

    Alors j'ai dessiné.

    Il regarda attentivement, puis:

    - Non! Celui-là est déjà très malade. Fais-en un autre.

    Je dessinai:

    Mon ami sourit gentiment, avec indulgence:

    - Tu vois bien... ce n'est pas un mouton, c'est un bélier. Il a des cornes...

    Je refis donc encore mon dessin:

    Mais il fut refusé, comme les précédents:

    - Celui-là est trop vieux. Je veux un mouton qui vive longtemps.

    Alors, faute de patience, comme j'avais hâte de commencer le démontage de mon moteur, je griffonnai ce dessin-ci.

    Et je lançai:

    - Ça c'est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans.

    Mais je fus bien surpris de voir s'illuminer le visage de mon jeune juge:

    - C'est tout à fait comme ça que je le voulais ! Crois-tu qu'il faille beaucoup d'herbe à ce mouton ?

    - Pourquoi ?

    - Parce que chez moi c'est tout petit...

    - Ça suffira sûrement. Je t'ai donné un tout petit mouton.

    Il pencha la tête vers le dessin:

    - Pas si petit que ça... Tiens ! Il s'est endormi...

    Et c'est ainsi que je fis la connaissance du petit prince. ( à suivre)


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  • Lorsque j'avais six ans j'ai vu, une fois, une magnifique image, dans un livre sur la Forêt Vierge qui s'appelait "Histoires Vécues". Ça représentait un serpent boa qui avalait un fauve. Voilà la copie du dessin.

    On disait dans le livre: "Les serpents boas avalent leur proie tout entière, sans la mâcher. Ensuite ils ne peuvent plus bouger et ils dorment pendant les six mois de leur digestion".

    J'ai alors beaucoup réfléchi sur les aventures de la jungle et, à mon tour, j'ai réussi, avec un crayon de couleur, à tracer mon premier dessin. Mon dessin numéro 1. Il était comme ça:

    J'ai montré mon chef d'œuvre aux grandes personnes et je leur ai demandé si mon dessin leur faisait peur.

    Elles m'ont répondu: "Pourquoi un chapeau ferait-il peur?"

    Mon dessin ne représentait pas un chapeau. Il représentait un serpent boa qui digérait un éléphant. J'ai alors dessiné l'intérieur du serpent boa, afin que les grandes personnes puissent comprendre. Elles ont toujours besoin d'explications. Mon dessin numéro 2 était comme ça:

    Les grandes personnes m'ont conseillé de laisser de côté les dessins de serpents boas ouverts ou fermés, et de m'intéresser plutôt à la géographie, à l'histoire, au calcul et à la grammaire. C'est ainsi que j'ai abandonné, à l'âge de six ans, une magnifique carrière de peintre. J'avais été découragé par l'insuccès de mon dessin numéro 1 et de mon dessin numéro 2. Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c'est fatigant, pour les enfants, de toujours leur donner des explications.

    J'ai donc dû choisir un autre métier et j'ai appris à piloter des avions. J'ai volé un peu partout dans le monde. Et la géographie, c'est exact, m'a beaucoup servi. Je savais reconnaître, du premier coup d'œil, la Chine de l'Arizona. C'est très utile, si l'on est égaré pendant la nuit.

    J'ai ainsi eu, au cours de ma vie, des tas de contacts avec des tas de gens sérieux. J'ai beaucoup vécu chez les grandes personnes. Je les ai vues de très près. Ça n'a pas trop amélioré mon opinion.

    Quand j'en rencontrais une qui me paraissait un peu lucide, je faisais l'expérience sur elle de mon dessin n° 1 que j'ai toujours conservé. Je voulais savoir si elle était vraiment compréhensive. Mais toujours elle me répondait: "C'est un chapeau." Alors je ne lui parlais ni de serpents boas, ni de forêts vierges, ni d'étoiles. Je me mettais à sa portée. Je lui parlais de bridge, de golf, de politique et de cravates. Et la grande personne était bien contente de connaître un homme aussi raisonnable. ( à suivre)


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    "Si ton chant n'est pas plus beau que le silence, alors tais-toi." Mohammed DIB

     


    Dib
    Mohammed Dib (Tlemcen, 21 juillet 1920 - La Celle Saint-Cloud, 2 mai 2003) est un écrivain algérien de langue française, auteur de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, de contes pour enfants, et de poésie.

    André Malraux avait salué en 1952 son roman La Grande Maison, premier volet d'une trilogie consacrée à sa ville natale, Tlemcen. Et, à la même époque, Maurice Nadeau affirmait : "De tous les écrivains africains, il est celui qui risque de nous toucher le plus. «Dix ans plus tard, Aragon, qui avait écrit un article sur son roman dans Les Lettres françaises, préface un de ses recueils de poèmes. Mohammed Dib est l'un de ces écrivains qui ont su, à partir de leur identité nationale, s'élever vers une certaine idée de l'universalité. Pour lui, cette idée, c'est en français qu'elle devait s'exprimer, s'échanger.

    Né le 21 juillet 1920 dans l'ouest algérien, orphelin de père, Mohammed fait la connaissance d'un instituteur français, militant communiste, Roger Bellissand, qui l'initie à la culture française. Il obtient ses deux certificats d'études, l'algérien et l'eurropéen, et devient lui-même instituteur en 1938. Il sera aussi comptable, traducteur et journaliste à Alger républicain. Durant la guerre, mobilisé, il s'inscrit à l'université d'Alger pour étudier les lettres. "Je me suis découvert et fait avec cette langue, expliqua-t-il, il y a deux ans, à un journaliste de La Vie. Non pas de manière inconsciente et indirecte, comme ce qui se fait tout seul. C'est une marche, une longue marche. Quand on entre dans une autre langue, les pesanteurs, les habitudes de pensée qu'elle véhicule vous semblent totalement neuves. Ce que les autres entendent comme des lieux communs sont pour vous des paroles de vérité, qui vous révèlent à vous-même. (...) La traversée d'une langue est une recherche de soi. Je suis toujours en marche vers cet horizon. Chaque livre est un pas de plus."


    "UN FOND MYTHIQUE"

    Il précisait : "Mes images mentales sont élaborées à travers l'arabe parlé, qui est ma langue maternelle. Mais cet héritage appartient à un fond mythique commun. Le français peut être considéré comme une langue extérieure - bien que c'est en français que j'ai appris à lire -, mais j'ai créé ma langue d'écrivain à l'intérieur de la langue apprise... Je garde ainsi la distance ironique qui facilite l'investigation sans passion. " ("Le Monde des livres" du 21 février 2003.)

    En 1951, il épouse une Française et adhère, pour peu de temps, au PCF. La Grande Maison paraît l'année suivante au Seuil et obtient le prix Fénéon. Œuvre forte, habitée par une compassion jamais apitoyée, ce premier roman décrit admirablement l'atmosphère de l'Algérie rurale de la fin des années 1930, avec ses révoltes et ses espoirs. L'Incendie (1954) et Le Métier à Tisser (1957) complèteront cette trilogie romanesque.

    1959 marque la grande rupture et l'exil sans retour : il est expulsé d'Algérie par les autorités coloniales en raison de ses activités militantes. Cependant, il ne fera jamais de l'exil une religion doloriste. Ces années difficiles l'ont convaincu de sa vocation. Il écrit beaucoup, des romans, des nouvelles, du théâtre, des contes pour enfants, et surtout des poèmes. A la haute tradition de la poésie arabe, il ajoute une évidence, un dépouillement, une volonté de nommer les choses et les êtres dans la plus grande transparence. De nombreux recueils manifesteront cette part secrète d'un engagement constant qui avait pour lui une forme d'abord intérieure.

    A la différence de nombres d'auteurs algériens de sa génération, tel Kateb Yacine, Mohammed Dib n'élève pas la voix. Sa révolte n'en est pas moins profonde, sa sensibilité à l'humiliation et à la misère humaine demeurent constantes. "La honte, comment s'accommoder de la honte ?", écrit-il un jour.

    Mohammed Dib n'était pas un sédentaire. Il a voyagé beaucoup, et même enseigné à Los Angeles, en 1976 - expérience dont il tirera son roman L.A. Trip. Au cours de ces mêmes années, il se rend plusieurs fois en Finlande. Les Terrasses d'Orsol, Le Sommeil d'Eve (qui étudie les relations entre la fiction et la folie), ou Les Neiges de marbre formeront, à partir de 1985, une trilogie nordique. S'il en était besoin, ce nouvel horizon prouverait combien Dib n'accepta aucun rétrécissement de son monde. Et combien son exil était aussi le signe de son universalité. Dans son dernier livre publié, Simorgh, il revient, sous la forme d'un puzzle littéraire, sur ses souvenirs d'enfance.

    Salué par plusieurs récompenses, comme le Grand Prix de la francophonie en 1994, l'œuvre de Mohammed Dib avait été un peu oubliée ou négligée ces dernières années. Sa mort devrait la faire redécouvrir.
     


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    "Cet homme parle avec les mots de Villon et de Péguy"
    (Aragon)
     

    • 21 juillet 1920 : naissance à Tlemcen. 
    • 1931 : obtient deux certificats d'études, "l'indigène" et l'"européen". 
    • 1938-1940 : instituteur de village. 
    • 1940-1944 : cours à l'université d'Alger.
    • 1951 : journaliste à Alger républicain et à Liberté,organe du Parti communiste.
    • 1952 : publication de La Grande Maison (Le Seuil), premier tome d'une trilogie algérienne. Suivront L'Incendie (1954) et Le Métier à tisser (1957).
    • 1959 : expulsé d'Algérie par la police coloniale. André Malraux, Albert Camus, Jean Cayrol et Louis Guilloux interviennent pour qu'il puisse s'installer en France.
    • 1959 : Baba Fekrane (contes pour enfants).
    • 1961 : L'Ombre gardienne (Sindbad, et réédité en 2003 par La Différence). Dans la préface, Louis Aragon écrit : "Cet homme d'un pays qui n'a rien à voir avec les arbres de ma fenêtre, les fleuves de mes quais, les pierres de nos cathédrales, parle avec les mots de Villon et de Péguy."
    • 1962 : Qui se souvient de la mer.
    • 1967 : s'installe à La Celle-Saint-Cloud.
    • 1968 : La Danse du roi (Le Seuil)
    • 1970 : Dieu en barbarie et Formulaires(recueil de poèmes) (Le Seuil).
    • 1973 : Le Maître de chasse.
    • 1974 : Le Chat qui boude. (contes pour enfants).
    • 1976-1977 : "Regent's Professor" à l'université de Californie - Los Angeles (UCLA).
    • 1977 : Habel.
    • 1979 : Feu beau feu (recueil de poèmes).
    • 1983-1986 : enseigne à La Sorbonne.
    • 1984 : Au café (Sindbad)
    • 1985 : début de sa trilogie finlandaise : Les Terrasses d'Orsol (Sindbad, 1985 et La Différence, 2003), Le Sommeil d'Eve (Sindbad, 1989 et La Différence, 2003), Les Neiges de marbre (Sindbad, 1990).
    • 1994 ; Grand Prix de la Francophonie de l'Académie française, attribué pour la première fois à un écrivain maghrébin.
    • 1998 : parution de L'Arbre à dires. Prix Mallarmé pour son recueil de poèmes L’enfant-jazz.
    • 2001 : Comme un bruit d'abeilles (Albin Michel)
    • 2003 : L.A. Trip (La Différence).
    • 2003 : Simorgh (Albin Michel). En conclusion d'un entretien accordé à cette occasion au "Monde des Livres" .

     


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  • jean amrouche-7b2b7
    Jean Amrouche est né le 7 février 1906 à Ighil Ali, en Petite Kabylie. On peut parler à son propos de "cas culturel particulier". En effet, comme il le dit lui-même :

    "Kabyle de père et de mère, profondément attaché à mon pays natal, à ses moeurs, à sa langue, amoureux nostalgique de la sagesse et des vertus humaines que nous a transmises sa littérature orale, il se trouve qu'un Hasard de l' histoire m'a fait élever dans la religion catholique et m'a donné la langue française comme langue maternelle."

    Il est donc kabyle d'origine et de culture, mais les circonstances coloniales lui attribuent le français comme langue et le christianisme comme religion. Cette situation le met en porte-à-faux par rapport à l' Islam et à la langue berbère qui prévalent dans sa société. Ce drame social et intime contribuera à mettre en place chez le poète une conscience aiguë de l' isolement et de l' exil, d'une solitude fondamentale et irréductible.

    Il quitte très jeune l' Algérie pour la Tunisie. Il y enseigne puis rentre dans le monde de la culture française à partir de 1943. Il collabore notamment aux rubriques culturelles des grands journaux comme Le Monde, Témoignage chrétien, L' Express et L' Observateur. Il travaille également à la Radiodiffusion française. Vivant à Paris, il ne cessera de suivre les événements d'Algérie. Il meurt à Paris le 16 avril 1962.

    Il a publié à l' âge de 27 ans (en 1934) son premier recueil de poésies intitulé Cendres puis, trois ans plus tard, un second recueil intitulé Etoile Secrète. Ce sont ses principales productions poétiques en dehors de quelques textes publiés dans des revues. Il a également traduit en français les Chants berbères de Kabylie, publiés à Tunis puis réédités en France (Editions Charlot, 1947).

    Les thèmes développés dans Cendres et Etoile Secrète se rattachent tous au vécu de l' isolement et de la séparation. Dans Cendres particulièrement, la parole poétique est dominée par la rupture et la culpabilité, comme en témoignent quelques titres comme "Brisure", "Arrachement". Cette sensation première et fondatrice, génératrice de douleur, produit chez le poète une double attitude vis-à-vis de la vie et des événements. En même temps que l' appétit de vivre et l' appel à la joie, la hantise de la mort est toujours présente. Dans "Angoisse de la jeunesse" (in Cendres), la question vitale ouvre le poème :

    "Aurai-je la vie de l' âme et le temps de créer,
    Aurai-je la force d'agir et de donner?"

    Et la fin du poème apporte la réponse :

    "Viens, nuit,
    Ensevelisseuse aux doigts doux
    ................................................
    Dormir, noyé, sur un lit d'algues couleur de mer,
    Fondre dans la nuit simple ma chair qui pleure
    .................................................

    Ce vécu double et douloureux induit chez le poète la reconnaissance de la faiblesse de l' homme et de la difficulté de réalisation de l' idéal qu'elle entraîne :

    "Lumière!
    C'est toi que nous voulons
    Mais......................
    Quand à peine tu transparais
    ..........................
    Nous n'avons pas la force
    De te voir
    ........................."

    Pour ce poète, une coupure insupportable règne dans sa vie, malaise fondamental qu'il traduit par la quête inquiète de son lieu :

    "Mais ma place,
    ...............
    Où, où est-elle?"

    A cette inquiétude indépassable qui se formule dès son plus jeune âge, il va tenter de répondre en recherchant un principe d'unité qu'il formulera en termes spirituels et religieux. Sa recherche prendra forme autour du thème d'une enfance idéale, angélique et presque céleste, qui se confond avec l' image d'un éden perdu (notamment dans Etoile Secrète) : pays de la purification fondamentale, du rétablissement de la communication avec la spiritualité, qu'il formule en termes chrétiens.

    Mais une telle contrée ne saurait exister car le conflit historique s' est installé en même temps que le drame personnel. La poésie permet néanmoins de l' inscrire, de le garder en soi comme une mémoire toujours vivace :

    "Je veux aller trouver les Anges, mes frères,
    Dans le pays muet que renferme mon coeur"

    Car :

    "Je suis orphelin, nous sommes des orphelins. A petit bruit, pleure ma détresse, une flamme qui va mourir et que nourrit sa propre mort, une détresse sans aucun nom, une détresse d'orphelin parmi les hommes orphelins, qui ont perdu leur Enfance au vent de la terre orpheline."

    Drame du dédoublement culturel et ontologique, la poésie de Jean Amrouche laisse percevoir quelquefois de véritables accents baudelairiens, à travers le vécu intense du désir de lumière lié inextricablement à la corruption et à la faiblesse. La forme poétique en est très libre, le travail du poète oscillant entre le vers libre et la prose rimée ou assonancée. Toute sa poésie est traversée par le rêve d'un langage primordial, principe d'union de soi-même avec le monde et écho aux exigences de fidélité et de pureté que suppose cette quête presque mystique.


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