• "A propos de l'échange avec Robert Badinter", par Laurent Joffrin

    La passe d'armes qui m'a opposé jeudi soir sur France 2 à Robert Badinter a pu surprendre par sa vivacité de ton : elle mérite explication.

     

    Robert Badinter est un ami de longue date de notre journal. Ses combats sont ceux du Nouvel Observateur et son rôle dans l'évolution de notre justice restera dans l'histoire du pays.

    Ces rappels ne sont pas de forme. C'est précisément en raison de la haute stature de Robert Badinter que j'ai été saisi de surprise en entendant son plaidoyer, alors que nous attendions en coulisse le moment d'entrer dans le studio. Le rappel solennel du principe de la présomption d'innocence, la stigmatisation du pilori médiatique auquel la justice américaine a soumis Dominique Strauss-Kahn, la juste horreur avec laquelle on découvrait le prévenu, le visage creusé et le regard absent, toutes ces réactions étaient évidemment humaines, éloquentes et salutaires.

    Mais un silence - involontaire à coup sûr - introduisait soudain dans cette péroraison un déséquilibre criant, lui-même à la source d'un malaise ressenti de toute évidence par une grande partie des spectateurs : le silence sur le sort de la victime présumée. Rien n'indiquait, jeudi soir en tout cas, qu'elle ait pu mentir, qu'elle soit une affabulatrice ou une provocatrice. Autant il fallait préserver précieusement les droits de l'accusé, autant il fallait aussi, pour maintenir l'équilibre des chances et des hypothèses, indiquer que la défense de Dominique Strauss-Kahn n'impliquait, à ce stade, nulle désinvolture, nulle hostilité envers une femme de service dont rien ne démontre qu'elle ait voulu piéger DSK. La présomption d'innocence vaut pour l'accusé ; elle vaut aussi, moralement sinon juridiquement, pour la plaignante. On se reportera, à cet égard, à l'éditorial de Jean Daniel publié par notre site, qui prend bien soin d'apporter cette précision.

    Faute de l'avoir fait, Robert Badinter, involontairement, bien sûr, donnait au public le sentiment d'exprimer une solidarité automatique avec un ami tombé soudain du sommet, dont le sort seul comptait, et d'ignorer celui d'une femme noire confinée au bas de la société, qui apparaît aux yeux de l'opinion américaine - et parfois française - comme la seule victime de l'affaire. On risquait ainsi d'accréditer l'idée que seul le destin des puissants, finalement, compte, et que celui des sans-grade n'a aucune importance. Redoutable conclusion, propre à alimenter toutes les rancœurs, tous les fantasmes et tous les extrémismes. D'où ma réaction, sans doute vive, mais motivée par le souci de dissiper au plus vite ce dangereux malentendu. Robert Badinter a pu être heurté par ma véhémence. J'en suis désolé. Mais elle s'est manifestée en faveur d'une cause qui me paraît juste, et qui correspond aux valeurs que l'ancien Garde des Sceaux a illustrées avec tant de courage et de brio.

     

    Laurent Joffrin – Le Nouvel Observateur

     DSCF6061

    « LambèseSolde »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 22 Mai 2011 à 20:34
    biker06
    Hello Fethi
    Vivement l'independance de Nice que l'on se debarasse d'un pays qui ne nous correspond plus !
    Forza Nissa é basta
    Pat
    2
    Lundi 23 Mai 2011 à 07:15
    patriarch
    C'est plutôt les règles de la justice américaine qui m'incommode. Car elle est en réalité une justice pour riches, puisqu'elle demande à la défense de faire la preuve de l'innocence de leur client. Celui qui n'est pas fortuné est obligatoirement lésé...

    Belle journée.
    3
    Lundi 23 Mai 2011 à 08:54
    Belbe
    Il est intéressant de voir l'angle de la presse américaine ..
    objectivité quand tu nous tiens
    4
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:02
    Bruno
    Bonjour Féthi, un petit coucou, je te souhaite une bonne fin de journée. Amitiés, Bruno
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :